/// VERNISSAGE lundi 5 décembre de 18h30 à 22h ///
Avec Vincent Betbeze, Laura Bru, Damien Charamel, Guillaume Combal, Sébastien Duranté, Cyril Hatt, Andréanne Hudon, Ève Maillot, Frédéric Martel, Audrey Martin, Jérôme Romain.
Commissariat : Bertrand Riou.
Onze artistes proposent pour l’espace de Saint Ravy des œuvres prenants pour socle commun différents affects de la sexualité. S’ils s’interrogent sur ce sujet avec véhémence, c'est parce-que la multitude des formes que celui-ci suggère prend tout son sens lorsqu'il est empreint d’intensité. Bien que transitoire, ce contexte d'exposition est un moyen de faire perdurer une réflexion qui ferait naître toutes les attentions chez ceux qui regardent. En l’occurrence ici, le public face aux mythologies « à caractère » que ces artistes nous donnent à voir. D'emblée, le meilleur chemin à suivre jusqu'à elles pourrait être de prendre le contre-pied des pensées qui obstruent la particularité de nos corps composés d'organes jouissants. Pour Antonin Artaud : « l’homme est malade parce qu’il est mal construit. Il faut se décider de le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement, dieu, et avec dieu ses organes. Car liez-moi si vous le voulez, mais il n’y a rien de plus inutile qu’un organe. Lorsque vous lui aurez fait un corps sans organes, alors vous l’aurez délivré de tous ces automatismes et rendu à sa véritable liberté ». Ainsi, il est évident qu'Artaud aurait détesté cette exposition ! On croise dans cette dernière plusieurs formes et ces formes ont plusieurs niveaux de lectures. Les œuvres se répondent, d’autres se complètent véritablement. L’idée n’est pas d’identifier le sexe, ni de lui donner une définition. D’une certaine mesure est établi en ce lieu un espace libre de création prônant un des sujets les plus intenses. Au-delà de cela, l’idée de cette exposition est née du constat que notre société est fondamentalement visuelle. Mais devenant de plus en plus répressive, elle est victime et censeur à la fois. Les artistes d’Une particulière attention se positionnent et interagissent pour traduire une réalité qui s’avère évidente : la représentation du sexe a évolué. Ils utilisent ainsi les codes de l’érotisme et de la pornographie. Patrick Baudry dans La pornographie et ses images, déclare que « la pornographie possède un incontestable pouvoir d’attraction, de séduction mêlée à une répulsion qui la renforce ». Cette répulsion est le fruit du tabou chez certains individus. Les faits de censures apparus ces dernières années sont inquiétants et révèlent le puritanisme ambiant que nous subissons, au-delà du monde de l’art, dans notre société contemporaine. Peut-être est ce tout simplement une normalité ; être censuré et recommencer à produire du censurable, ceci produisant un questionnement, de l’excitation et même, dans notre cas, une envie utopique de faire évoluer les consciences. Au départ, l’impulsion du projet m’est venue soudainement grâce à la lecture d’un chapitre précédent L’hypothèse répressive (in vol.1 Histoire de la sexualité : La volonté de savoir) de Michel Foucault, qui écrit : « L’histoire de la sexualité devrait se lire d’abord comme la chronique d’une répression croissante [...] on ne peut s’en affranchir qu’à un prix considérable [...] On me dira que s’il y a tant de gens aujourd’hui pour affirmer cette répression, c’est parce-qu’ elle est historiquement évidente. Et que s’ils en parlent avec une telle abondance et depuis si longtemps, c’est que cette réflexion est profondément ancrée, qu’elle a des racines et des raisons solides, qu’elle pèse sur le sexe de manière si rigoureuse que ce n’est point une seule dénonciation qui pourra nous en affranchir ; le travail ne peut être que long. D’autant plus long sans doute que le propre du pouvoir – et singulièrement d’un pouvoir comme celui qui fonctionne dans notre société – c’est d’être répressif et de réprimer avec une particulière attention les énergies inutiles, l’intensité des plaisirs et les conduites irrégulières. Il faut donc s’attendre que les effets de libération à l’égard de ce pouvoir répressif soient lents à se manifester ; l’entreprise de parler du sexe librement et de l’accepter dans sa réalité est si étrangère au droit fil de toute une histoire maintenant millénaire, elle est en outre si hostile aux mécanismes intrinsèques du pouvoir, qu’elle ne peut manquer de piétiner longtemps avant de réussir dans sa tâche. » Ainsi, notre infime contribution est, hic et nunc, un moyen supplémentaire de lutte contre la répression. Car en effet l’envie des artistes de l'exposition Une particulière attention est de s'interroger - sans subir de limite répressive -, sur quelques facettes de ce thème vaste et passionnant. Ils traduisent alors un substrat de leur imagination pour nous proposer ces mythologies individuelles, tentative d’assimiler le sexe, qui, de toute évidence, est insaisissable dans sa totalité. Cette exposition n'est qu'un moment, un passage dévoilant une volonté de faire naître un échange empreint d'intensité entre ceux qui créent et ceux qui en sont les témoins ; en l'occurrence dans ce contexte, entre les artistes et le public. Le choix fut d’aller à l’encontre d’un réflexe réactionnaire qui sous-tend qu’il y a une différence entre les artistes hommes et les artistes femmes. Ne se définissant pas par leur sexe, ils sont loin de l'approche Hégélienne qui prône une différence fondamentale entre le masculin et le féminin. Aucune dissension n'est faite ici entre les sexes, pour ainsi graviter vers d'autres problématiques. Galien (131-201 après J.C.), médecin grec de l’Antiquité, avec sa pensée anatomique « unisexe », considère que les femmes produisent elles aussi du sperme et qu’elles sont du même coup sujettes à l’éjaculation. Cette idée qui ébranle le tabou autour des sécrétions organiques, nous fait arriver au vif du sujet...
La collaboration entre Vincent Betbeze et Sébastien Duranté est dans un premier temps une question de fluide renvoyant au tabou des sécrétions corporelles. Dans notre société contemporaine on a oublié que le sperme n’est pas seulement un outil de procréation. Par exemple le sperme jouait un rôle dans les rites religieux anciens. Erwin Goodenough relate que, parfois, les prêtres et les prêtresses de pays du Proche Orient suçaient le sperme d’un fidèle pour aller ensuite le déposer de leur bouche dans un vase rituel. Cette œuvre, intitulée Pop-up, est elle aussi à voir comme une sorte de rituel. Au lieu de stigmatiser le sperme, ils s’en servent pour délivrer une réflexion ambivalente et profonde. Il est l’acteur principal d’une installation systémique poussée à l’excès. Ils se sont appropriés l’espace le plus sombre de la galerie, une cave qui dans ce contexte ferait davantage penser à un utérus. Le public est invité à descendre dans ce trou énigmatique. D’emblé nos repères sont mis à l’épreuve au moyen d’une lumière violette et violente. On entrevoit alors au fond de cette cavité trois spectres à travers les jets de lumières saccadés. Trois mains correspondant à un jeu enfantin : le pierre, feuille, ciseau. Ils sont dessinés avec une seule matière, le sperme. Dans ce contexte quelque peu connoté, ces trois signes sont détournés de leur définition primaire. Allant au-delà de l’onanisme infantile, ils deviennent un jeu sexuel débridé : le fist, fessée, doigtage. Parce-que « si l’art est un jeu, jouer c’est aussi jouir ». Plus en avant, le titre Pop-up renvoie au prisme d’internet. Cela fait référence aux sites pornographiques en streaming qui fleurissent en abondance sur la toile. Ces sites provoquent un assouvissement (jamais rassasié) de nos pulsions. Ils provoquent en fait deux éléments contradictoires : une déshumanisation des rapports sexuels alliée à un dépassement des fantasmes. Pourtant ces sites sont devenu l’éducation sexuelle principale des jeunes du XXI° siècle. Aussi l’œil, abondamment mis à l’épreuve dans cette pièce de Duranté et Betbeze, fait référence à un livre de Bataille (Histoire de l’œil, 1928), qui fait le lien entre le sexe féminin mouillé et l’œil ouvert et fermé, phallique. Dans cette cavité utérine, l’œil et l’esprit se perdent, à l’image de notre condition d’individu victime d’une société bombardée d’images. Cette surenchère sexuelle provoque une très nette déshumanisation de nos rapports. Enfin, ce que les artistes démontrent dans ce mécanisme détourné, c’est la facilité qu’ont les jeunes d’aujourd’hui à se procurer du plaisir immédiat et facile, pour tous les gouts et les dégouts, dans tous les cas extrêmes.
Audrey Martin et Damien Charamel traduisent avec Exchange.01 les questionnements analytiques de l’étude d’un rapport sexuel entre deux individus. Moins un abécédaire de la sexualité qu’un constat rationnel, cette installation est sous-jacente de plusieurs évidences. Cette forme principale qui rappelle sommairement l’espace conventionnel et intime du lit est à percevoir comme « le terrain d’abandon du couple ». La bâche, rappelant le plastique du condom, symbolise la lutte contre l’infection du sida mais aussi cette contrainte en latex s’opposant au contact des carnes. La flaque blanche au centre est très certainement une image hypertrophiée d’une certaine substance organique masculine. Cette ligne noire, démarcation délimitant une dualité, est celle se jouant entre deux partenaires particuliers. Le son quant à lui fait naitre une vibration du liquide qui ne cesse de s’arrêter puis recommencer, tout cela à des temps différés ; partageant la pièce entre l’inanition et le mouvement. C’est sans aucun doute une zone de sexe décortiquée, analysée, refroidit. Volontairement minimale, cette installation accouche d’un son - un enregistrement modifié d’une partie entre deux joueurs de ping-pong - provoquant « une mise en tension de la matière par le son ». Ce jeu sportif demande un effort, créant un symptôme : l’essoufflement. Le cœur bat trop fort et les vibrations à la surface du liquide sont les derniers balbutiements d’une identité en quête d’intensité. Les corps vibrent mais, dans l’absolu, s’essoufflent. Le son conditionnant l’ensemble de la pièce est en trois temps : 3 minutes, 7 minutes, puis 13 minutes. Rapport de médecine à l’appui, nous sommes bien là devant une science exacte : « la durée idéale pour un rapport sexuel se situerait entre 3 et 13 minutes, préliminaires non compris ». A ce stade là, un rapport sexuel est à mettre au même plan qu’un rapport clinique. Léthargique à bien des égards, Exchange.01 est l’archétype de la distanciation des corps. Elle est austère, froide, témoin du vide de plus en plus flagrant des rapports humains.
Cyril Hatt nous propose au regard un attribut féminin. Cette culotte, à comprendre comme un artefact posé sur un socle volontairement bas nous invite à la contemplation. C’est d’ailleurs un autel plutôt qu’un socle et une ceinture de chasteté plutôt qu’une simple culotte. Aucun fétichisme de la part de l’artiste mais davantage un objet de culte car il la considère comme étant une relique. Il a modifié l’esthétique habituelle, accentuant l’aspect précieux grâce aux matériaux brillants, leitmotiv dans sa pratique : des tirages photos argentiques et des agrafes. La ceinture de chasteté - objet inventée au XV° siècle en Italie - fut jadis utilisée dans les milieux bourgeois pour éviter les viols, les adultères, mais aussi la masturbation (considérée comme un fléau à l’époque). Aujourd’hui son usage est détourné. Les ceintures de chasteté sont utilisées lors des pratiques BDSM (pour « Bondage, Discipline, Domination, Soumission, Sadomasochisme). Et effectivement, à bien y regarder, cette culotte/ceinture à des stigmates, objet marqué par l’individu. Cette pièce mise en valeur dans le cadre d’une exposition pourrait tout à fait être un produit vendu dans un sex shop à tendance ultra hard. Ici l’artiste fait souffrir cette image iconique pour mieux en révéler sa puissance. A coté, la culotte de la jeune femme sur la toile est étrangement ressemblante. Comme si ce dernier rempart de la nudité ne devait pas être complètement oublié de notre regard mais plutôt jeté là sur ce socle, nous faisant imaginer sans mal la suite de la scène. Ce n’est donc pas une œuvre factice ; c’est, tout comme la sexualité, une signature du réel.
C’est d’autant plus vrai dans Living the good life de Jérôme Romain. La toile nous montre une jeune femme à moitié nue allongée sur un lit, au visage caché. Elle s’offre à un premier garçon situé sur elle, dans l’axe de son regard et du notre, spectateurs. Un troisième jeune homme regarde. La quatrième personne est celle qui a prit la photo sur le vif (sans doute Jérôme Romain). Le caractère lumineux du tableau offre un spectacle voyeuriste auquel s’ajoute une figuration du sexe, donc un préliminaire par procuration. Le point de vue de la toile oblige le spectateur à faire parti de la scène. Cette situation d’instabilité nous pousse à une « pulsion scopique » latente. Un doute plane sur ce qui va suivre mais notre esprit s’imagine et fantasme bien des choses. Jérôme Romain en appelle à notre « esprit mal tourné ». De plus le « voir » et « l’être vu » réside évidemment ici mais est obstrué par le visage flouté de la jeune femme. On se cogne devant cette restriction se mettant en travers de notre curiosité. Si Jérôme Romain cache l’identité de la femme, c’est pour la mettre au même niveau que ces deux hommes en position de domination. Eux aussi sont anonymes pour ne pas se dévoiler entièrement au regard insistant du cinquième individu, le public. Cette scène de vie s’immisce alors dans un espace ouvert, tout en gardant son caractère particulièrement intime.
Dans la vidéo de Laura Bru et Guillaume Combal, force est de constater que bon nombre d’ambiguïtés et de questionnements résident dans ce huis-clos. L’histoire est fragmentée : un homme, une femme, une chambre d’hôtel, une bouteille de champagne, un lit défait. Les stéréotypes sont rassemblés mais pourtant, dans cet agencement logique aucun point de vue global ne nous est montré. Se déroule alors des scènes au cadrage serré, entrecoupé, délimitant chaque espace de façon à ce qu’il ne soit jamais vu en son entier. On s’attend ardemment à ce qu’il se passe quelque chose de « physique » mais au fur et à mesure notre frustration grandit. Le son accentuant cet effet. Aussi, ce son s’entend comme un métronome au va-et-vient incessant, entrainant une dualité. Sans jamais voir leur visage, on comprend que les deux personnes sont un homme et une femme. Nous sommes peut-être témoin d’une scène d’adultère. Juste quelques flashes, quasiment des images subliminales, nous laissent aller dans cette direction. Mais qu’y a t-il en fait ? En somme il ne se passe rien mais il s’est passé quelque chose. Parmi ces scènes elliptiques, le champagne coule dans les deux verres, il mousse et déborde ; on entrevoit l’entrejambe de la femme à la robe courte et noire. Mais encore une fois, l’empressement des séquences et le caractère caché qui réside en elles nous renvoient à un sentiment de frustration. Car on s’imagine aisément qu’entre tous ces moments filmés il se passa bien des choses. Le voyeur est par définition empreint à la culpabilité et la peur d’être surpris. C’est ainsi qu’il se procure du plaisir. Or, la complexité de notre situation se révèle dans le fait que nous ne prenons aucun plaisir. Ainsi, tout ce qui se déroule sous nos yeux dans ce huis-clos s’avère être impénétrable, nous plaçant éternellement dans un « ça a été » ou « ça va être ». Entre G nous met donc à notre insu dans un état instable, dans une entre-situation.
Pour sa série des X-Paintings, Frédéric Martel a constitué une base de donnée autour des peintures apparaissant dans les sites pornographiques en streaming. Ce sont des captures d’écran (screenshot) de la scène de sexe où l’œuvre en son entier apparait. Il détourne le but initial de la vidéo pour mettre en avant la peinture. Référence au travail de Timm Ulrichs, artiste conceptuel allemand des années 1970, il remet ce concept au gout du jour. D’ailleurs aujourd’hui ce ne sont plus essentiellement des tableaux de maitres qui sont reproduit à l’excès mais aussi des « croutes ». En effet « peu importe tant que ça meuble ». Frédéric Martel fait passer ces œuvres de décoration au statut d’œuvre à part entière. Ainsi en prélevant cette image, il change la définition même de l’image. Elle a des séquelles, elle est amoindrit, floue, altérée, éthérée, créant par la même une esthétique particulière. Il redonne l’emplacement que cette œuvre devrait avoir, et au delà de cela, il revalorise l’image. En plus d’appartenir au monde du X, elle appartient dorénavant aussi à l’artiste. Après tous ces stades, l’image devient comme il dit avec un peu d’ironie : une « image morte-vivante », « une image zombie ». C’est finalement le spectre d’une œuvre. Violée autant par la reproduction à outrance que par le gonzo qui l’utilise, cette mise en abime redonne le pouvoir à l’œuvre. Un Kandinsky n’est plus alors perçu comme un objet de décoration résidant dans les décors glauques des pornos, mais davantage comme ce qu’il est réellement, une œuvre avec une histoire. La démarche est salvatrice quant au fait que cette réappropriation objective de la peinture la remet avec logique au premier plan, lui redonnant ainsi cette attention qu’elle mérite. La « pulsion scopique », terme freudien évoquant le plaisir du voyeur regardant quelque chose, souvent sexuel, est ici totalement annihilée. En effet, le vif du sujet – la scène de cul - est supprimée. Seule subsiste la légende, interface rationnelle et froide du site porno. Par exemple dans Teens feast on healthy cock on comprend que la vidéo (et donc l’image) fut vu par plus de 3 millions de masturbateurs, cela durant 2 ans, dans une vidéo de 30 minutes et fut aimé par 94% des personnes. On constate alors que des œuvres d’art sont aujourd’hui vues tout autant, voire plus intensément sur la toile que dans les salles d’expositions. Ainsi, voir une œuvre dans un film X ou dans un musée est en passe de devenir la même chose.
Rose, réalisée par Eve Maillot avec des milliers de gants en latex est une forme immense, tout droit sortie d’un rêve érotique, qui révulse autant qu’elle attire. Le fait de pouvoir toucher apporte une proximité, une intimité entre l’œuvre et le spectateur. Lors d’un entretien en janvier 2010, Eve Maillot confie « qu’on peut être mal-à-l’aise par ce qu’une belle œuvre peut faire résonner de caché en nous ». C’est là où réside la faille entre ce qu’on peut ressentir d’intense en nous et la peur d’en voir les effets réels. On veut la caresser car une profonde sensualité s’en dégage. Nous sommes attirés par cette toison étrange, antithèse de la vagina dantatae, cette horrible peur masculine de la castration par le sexe d’une femme. L’ambivalence de la perception qu’on s’en fait, nous stimule d’emblée. Surenchère clitoridienne, l’attirance envers cet organe sujet aux plaisirs, sollicite nos sens qui métaphorisent notre entrée vers un autre monde. C’est une matrice réversible qui nous séduit, et amplifie l’émoi qu’elle nous procure. Rien ne semble plus agréable que de céder à la tentation. Au centre, ces grandes lèvres roses nous confrontent à l’obscénité de notre naissance inter faeces et urinam et nous rappellent un déchirement. Nous naissons pour nous diriger droit vers la mort. Sur une autre sphère, tout comme le rideau rouge des films de David Lynch, cette fente est à considérer comme une traversée, nous mettant dans un état second ; A l’intérieur l’idée d’une grotte sombre et humide, figurant le sexe chaud de la femme. Ici la traversée n’est possible que par l’imagination. Cela appelle nos sentiments refoulés les plus profonds, afin de libérer notre esprit. D’ailleurs, comme le suggère Georges Didi-Huberman dans Ouvrir Vénus : « il n’y a pas de corps sans imaginaire de son ouverture ».
La série Le Jardin des Fantasmes d’Andréanne Hudon est liée à des symboles et des rituels érotiques anciens. Ces rapports charnels se jouent tantôt entre humains, tantôt entre humains et êtres hybrides. Elle accentue l’état passionnel de ces scènes d’accouplement. Ces êtres semblent ne faire plus qu’un, rattachés ensemble dans une panacée de sentiments libérateurs. Ces images au fort symbolisme sexuel dévoilent à nos yeux une nature érotisée. D’ailleurs, le monde végétal dans l’art évoque les organes sexuels et la reproduction. Dans Double pénétration, Andréanne Hudon se donne le pouvoir de dire que ce n’est pas un paysage mais une bonne baise tout comme dans Princesse X de Brancusi : nous ne voulons pas voir un buste de femme mais un phallus. Il y a quelque chose à voir dans cette peinture mais ce quelque chose est obstrué par le médium. En effet Lorsqu’on se retrouve pour la première fois devant Double pénétration, notre regard ne voit qu’un paysage idyllique un peu kitsch. Ce n’est qu’après quelques secondes d’attention que l’on découvre ce qui se cache au fond de cette toile. La double pénétration apparaît à travers la nature foisonnante. Cet acte sexuel extrême, souvent vu dans les films pornographiques, est mis dans les bras de mère nature. Ce coït n’est plus alors une position violente mais un panorama faisant intégralement parti de ce macrocosme. C’est une montagne ! Les plantes, elles aussi exhibent leur caractère sexuel. Elles se confondent, se mêlent entre elles comme si elles étaient elles aussi dans la procession d’une partouze. Cette kyrielle de sensations célèbre donc la jolie débauche de la vie.
Non sans humour, les gravures de Sébastien Duranté nous plongent dans l’univers du X. Il pérennise des séquences pornographiques mal jouées et mal filmées, mises en opposition avec la qualité du papier Japon et la finesse du trait, pour les hisser au rang d’œuvres d’art. L’aspect tantôt vulgaire, tantôt kitsch, tantôt machiste, ajoute à l’obscène de ces situations. Le public « voyeur » quant à lui est projeté à son insu face à ces « éjacs faciales » et autres clichés pornographiques. Thierry Tremblay prévient du fait que : « le danger qu’il y a à nous promener à travers des images est de devenir nous-mêmes images, de nous comprendre comme des images. La pornographie remplace la prostitution comme le regard remplace l’acte. Le faire ou l’avoir fait est l’avoir vu ». L’image pornographique, sexiste, est bien évidemment réductionniste. Elle exècre toute dimension humaine de la sexualité, la laissant froide et remplit de codes. C’est pourquoi les gravures de Sébastien Duranté sont immédiates, sans ambages et dévoilent tout. Elles se refusent aux voiles, aux masques, aux détours, aux complications, aux censures imposées. Elles en rajoutent volontiers, avec excès. Mais les émotions sont au niveau zéro car les performers du sexe mentent sur leurs sentiments. Ici - comme dans la plupart des films X - les femmes servent à l’assouvissement des fantasmes, soumises au bon plaisir de l’homme et ne sont pas mieux considérées qu’un objet. Ainsi, La représentation bien sûr transgressive de l’acte sexuel tel que la montre Sébastien Duranté est une réponse au risque de l’épuisement de l’image du sexe.
Bertrand Riou, commissaire de l’exposition.
Les ouvrages de la vitrine sont des prêts de Monsieur Denis Pedebas, libraire de livres anciens (Librairie ANAGRAMME, 20 rue Sainte Anne, 34000 Montpellier) et d’un collectionneur privé.
Plus d'informations :
Exposition ouverte tous les jours sans interruption, du mardi 6 décembre au mardi 13 décembre 2011 inclus, de 13h à 19h.
ENTRÉE LIBRE
// Vernissage : apéritif offert //
// Vernissage : apéritif offert //
+33 (0)6 26 37 39 22 / riou.bertrand@gmail.com
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